Le “syndrome d’aliénation parentale” ou l’inversion du Bien et du Mal

Le « syndrome d’aliénation parentale » (« SAP ») s’articule autour de la « projection » qui permet au parent agresseur de se faire passer pour le parent protecteur.

J’ai mis en scène cette dynamique dévastatrice pour l’enfant dans mes deux romans, Mauvais Père publié en 2016 par Les Arènes, et Les Mal Aimées, publié en juin 2021 par Art 3 et préfacé par le Juge et co-président de la CIIVISE Edouard Durand. En 2016, malgré la force de frappe des Arènes, il était impossible de braquer les projecteurs sur la folie du « SAP » (je prends soin de toujours mettre ce concept entre parenthèses afin de ne pas le légitimer).

Je suis heureuse de voir que les choses ont évolué, mais il importe de bien comprendre le phénomène de projection, car évidemment, l’emprise parentale existe et nous avons tort de dire qu’elle n’existe pas. Si le syndrome de l’aliénation parentale n’existe pas car il ne s’agit pas d’un syndrome, l’emprise parentale existe, comme toute autre emprise. J’en ai la preuve douloureuse tous les jours dans ma clinique où je vois des enfants animés d’une rage destructrice envers un de leurs parents.

Qu’est-ce que le « SAP » ?

Chaque année, des milliers de mères aimantes sont éloignées ou séparées de leur enfant, confié au père agresseur par le biais de décisions judiciaires iniques qui les accusent de pratiquer l’« aliénation parentale » contre le père de l’enfant. Ces mères qui étaient le plus souvent leur figure d’attachement primaire sont dès lors diabolisées par le « syndrome d’aliénation parentale » et ses apologues (juges, experts, avocats, travailleurs sociaux, éducateurs…). Considérées comme manipulatrices, ces femmes sont alors condamnées à voir leur enfant le week-end, dans un lieu neutre lors de visites médiatisées ou, dans le pire des cas, à ne plus le voir du tout. Elles sont, dans les faits, vouées à assister, impuissantes, à la dégradation physique et psychique de leur enfant livré au père agresseur.

Inversion accusatoire

Etymologiquement, “pervers” vient du latin “pervertere” qui signifie “inverser”. Il est effectivement question, avec cette théorie anti victimaire, d’inversion des culpabilités et des valeurs.

Avec le « syndrome d’aliénation parentale » (« SAP »), le parent protecteur, généralement la mère, qui dénonce les violences du parent agresseur sur l’enfant, est considéré comme l’agresseur tandis que le parent agresseur, généralement le père, est considéré comme protecteur et bienveillant. Et c’est là que le mécanisme de défense psychanalytique appelé “projection” (ou “identification projective”) prend tout son sens et doit être connu des magistrats et théorisé dans ces situations particulières car le parent agresseur projette sur le parent protecteur sa propre tendance fusionnelle, voire incestuelle ou incestueuse. Le Bien est donc stigmatisé, et le Mal glorifié. Exactement comme au Moyen-Âge lorsque les femmes herboristes soignantes étaient considérées comme des diablesses et brûlées au bûcher.

Un mot doté d’une immense charge symbolique

Si le concept du « SAP » est si dangereux, c’est aussi parce que le mot « aliéner » a une immense charge symbolique (les pervers sont intuitivement très doués pour choisir les mots justes).

« Aliéner » veut dire tout à la fois : 1) rendre hostile (« aliéner les esprits des peuples ») ; 2) éloigner ; 3) séparer ; et 4) rendre fou. Incidemment, cela résonne exactement comme le programme en plusieurs étapes assigné par le parent agresseur (soutenu par les institutions dès lors qu’il accuse le parent protecteur de « SAP ») au parent protecteur soit-disant aliénant qui « éloignerait l’enfant psychiquement, physiquement puis… le rendrait fou ».

Des profils pervers ou paranoiaques

 Sauf qu’il y a erreur sur la personne car c’est généralement le programme du parent accusateur (souvent le père), pas le programme du parent accusé de « SAP » (souvent la mère) dont il s’agit là. Même si les institutions croient souvent le parent agresseur, fréquemment doté de capacités quasi hypnotiques en raison de son profil psychopathologique. En effet, les professionnels n’en ont pas conscience, mais il s’agit souvent de personnalités perverses ou paranoiaques dont les actes s’inscrivent dans un continuum de violence et de domination patriarcale contre les femmes et les enfants.

Caroline Bréhat